% DROIT.tex Shareware, freeware, qu'est-ce que c'est ? % Copyright 1996 Bernard Gaulle as in french.doc \documentclass[a4paper,11pt]{article} \usepackage[latin1]{inputenc} \usepackage{french} \begin{document} \title{Quelques questions de droit français\\ à propos\\ des logiciels sur Internet}\author{B. \textsc{Gaulle}} \date{18 mars 1996} \maketitle \section{Avertissement} Voici quelques questions de droit auxquelles j'ai été amené à répondre mais qui n'ont pas été estampillées du label d'un juriste ; si vous en êtes un, n'hésitez pas à me donner votre point de vue. Les informations qui suivent sont donc relatives à une perception que j'ai des problèmes de droit liés à la propriété intellectuelle des auteurs de logiciels. Comme auteur moi-même, je considère ce qui suit, comme une « protection » minimale, cela veut dire que je me réserve le droit d'intenter, ou de faire intenter, des actions en réparation s'il s'avérait que la forme ou l'esprit des termes décrits ci-dessous était violé. Ce document se révèle donc être, très précisément, un document sur les devoirs des utilisateurs de logiciels récupérés sur Internet. \section{Le droit d'auteur} Le droit d'auteur relève de la propriété intellectuelle, il est différent de la propriété industrielle (brevets d'invention). Qu'il s'agisse d'une \oe uvre d'art, d'une \oe uvre de musique ou d'un logiciel entièrement nouveau, il s'agit toujours d'une création dont la propriété intellectuelle revient à son auteur. Cela est différent de tout aspect commercial. C'est à l'auteur et à lui seul (ou à défaut à ses héritiers pendant les 50 années suivant son décès) qu'il appartient de décider de l'utilisation qui sera faite de son \oe uvre. Peut-être choisira-t-il de la vendre en une seule fois sans se réserver un usage ultérieur ; ou alors il publiera son travail, qui deviendra ainsi accessible à tout le monde, et dans ce cas il demandera à être rémunéré à chaque utilisation et selon des conditions qu'il établira (ou que les usages et la réglementation ont éventuellement établis). Mais il existe, bien sûr, bien d'autres formes intermédiaires pour être rétribué d'un travail rendu public. Quelles que soient les conditions dans lesquelles l'auteur décide de tirer profit de son \oe uvre, même s'il accorde une licence d'exploitation exclusive à une société spécifique, il ne peut être dépossédé de son droit d'auteur (sauf, bien entendu, s'il y renonce explicitement). « L'auteur a seul le droit de divulguer son \oe uvre » art.~L.\,121-2 du code de la propriété intellectuelle. Chacun doit garder à l'esprit la valeur patrimoniale d'un logiciel. Cela veut dire essentiellement trois choses. Premièrement un logiciel, quel qu'il soit, appartient à quelqu'un et vous ne pouvez pas vous l'approprier. Deuxièmement il « vaut » quelque chose et vous ne pouvez pas, a priori, le réutiliser commercialement, et encore moins de le rediffuser gracieusement. Enfin, tout comme pour votre propre patrimoine vous n'autorisez pas n'importe qui à en faire l'inventaire, de même vous n'avez pas le droit de « rentrer » dans le logiciel pour en inventorier les composants. Non seulement il vous est interdit de reproduire, traduire, adapter, arranger, modifier un logiciel ainsi que sa documentation, mais encore vous ne pouvez -- bien souvent --, en vertu de l'article L~.122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, en corriger les erreurs. Cette dernière disposition, adoptée partout en Europe, reste toutefois à la discrétion de l'auteur qui le précisera dans sa « licence ». L'utilisateur d'un logiciel n'est donc jamais propriétaire d'un logiciel. À l'inverse, puisqu'il n'est pas à lui, il doit le protéger convenablement c'est-à-dire ne pas le rendre accessible à tous par simple négligence. L'utilisateur est responsable de la sécurité physique du logiciel et de sa copie de sauvegarde. L'auteur est libre de diffuser ses propres \oe uvres sur Internet, sous réserve de ne pas avoir accordé (avant ou après) de licence de diffusion exclusive. Corollaire : vous ne pouvez en aucun cas rediffuser un logiciel qui ne vous appartient pas, sans autorisation spécifique de l'auteur. En le faisant vous léseriez non seulement le droit de l'auteur mais aussi les droits des éditeurs et des producteurs. Les logiciels sont, en France, protégés par le code de la propriété intellectuelle et à l'étranger par des conventions sur le droit d'auteur. Aux États-Unis, les logiciels sont souvent déposés au « Copyright office » de la bibliothèque du Congrès. « L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son \oe uvre. » (art. L.\,121-1). La violation d'un des droits de l'auteur d'une \oe uvre est un délit de contrefaçon et toute contrefaçon est sanctionnée en France par l'article L.~335-2 du code de la propriété intellectuelle et punie de deux ans d'emprisonnement et de 1\,000\,000\,F d'amende. Les droits d'auteur sont transmis à ses héritiers qui en bénéficient pendant cinquante années. Au delà, le logiciel « tombe » dans le domaine public (voir plus loin). \section{Licence d'utilisation} L'auteur a parfaitement le droit de préciser les conditions d'utilisation de son logiciel, et c'est quasiment toujours le cas. S'il ne peut pas aller contre la loi, il peut toutefois préciser beaucoup de points techniques, financiers, administratifs, ou autres qui ne sont pas traités par la loi. Il faut donc absolument lire les licences d'utilisation des logiciels. Bien souvent il est affiché à l'écran lors de l'installation du produit mais il peut, tout aussi bien, ne pas être « obligatoirement » visible. Dans ce dernier cas, il faudra rechercher à lire tout fichier pouvant s'appeler Copyright, Licence, Registration ou simplement README (ou ALIRE). \section{Les contrôles} En France, les habitudes ancestrales nous ont donné une réputation de « profiteur » qu'il est bien difficile de renier et même de modifier, tant les mentalités n'évoluent que très lentement. Le préjudice est énorme (voir plus loin : le piratage français) pour les grosses entreprises comme pour les petits producteurs de logiciel. Il faut donc lutter contre la violation du droit d'auteur. N'imaginons surtout pas qu'il n'y a pas de contrôles, que « cela n'arrive qu'aux autres », parce que les média n'en parlent que très peu. Cela s'explique parfaitement. En effet, très peu de cas de violation de droits font l'objet d'une procédure juridique car aucun des protagonistes n'y a intérêt. Le producteur n'a pas intérêt à paraître publiquement comme le gendarme qui fait verbaliser. Et le fraudeur souhaitera, encore moins, être cité dans tous les journaux. Les procédures sont donc, dans la majorité des cas, amiables. Il existe des centres de conciliation réservés à cet effet. Les contrôles sont souvent effectués à la demande des auteurs, éditeurs ou producteurs, mais aussi très souvent à l'initiative des organisations professionnelles. En France, l'Agence pour la Protection des Programmes, par exemple, est mandatée pour agir en justice, tant sur le plan pénal que civil. Les contrôles existent donc, même si cela n'est pas très apparent chez nos propres voisins. Le risque existe donc si l'on n'est pas en règle. \section{Le domaine public} On a coutume de penser que tout ce qui est dans le domaine public est à tout le monde ; cela n'est pas vrai. Prenons des exemples quotidiens. Le mobilier urbain est public, chacun peut l'utiliser, nul n'est autorisé d'en faire un usage différent de celui pour lequel il a été conçu. Les partitions de musique de Chopin et de n'importe quel compositeur contemporain peuvent être achetées dans le commerce mais la famille Chopin ne touche plus de revenus de droits d'auteur. Les \oe uvres de Victor Hugo ont été publiées il y a longtemps et pourtant vous n'avez pas le droit de faire des photocopies pour tout votre entourage. Enfin, ce n'est pas parce que la musique de Strauss est « dans » le domaine public que vous pouvez rediffuser son \oe uvre gratuitement à la fête du village. Tous ces exemples sont là pour montrer que le domaine public apporte au public de nouvelles facilités, sans pour autant l'exempter de devoirs. L'expression « tomber dans le domaine public » correspond en fait à une réduction des droits de l'auteur ou de ses héritiers, jamais à une extinction totale de ces droits. Même deux cent ans après, un descendant peut valablement attaquer en justice pour violation des intentions de l'auteur. L'on voit ainsi clairement, sans même parler de logiciels, que l'on ne peut pas, non plus, s'approprier un bien trouvé dans le domaine public. \section{Le droit sur Internet} Internet est une route publique qui parcourt le monde. En France la route nationale pour l'enseignement et la recherche s'appelle Renater, les routes régionales s'appellent Rérif, Rémip, R3T2, etc. Chacune est la propriété d'un organisme spécifique qui se charge de l'équipement, de l'entretien, ... Il n'existe pas, toutefois, sur Internet d'organisme public qui joue le rôle de gendarme ou de douanier, au sens où on le connaît. Il existe par contre des services anti-piratage, anti-contrefaçon, etc. Le principal problème juridique d'Internet vient de son accessibilité aisée à tout un chacun et, par conséquence, de la difficulté de localiser physiquement un utilisateur. Nos lois ne sont pas encore adaptées à cette situation immatérielle. Cependant, rien ne modifie, les droits de l'auteur dont nous venons de parler précédemment. En ce qui concerne les logiciels, différentes sortes sont « récupérables » sur le réseau. Leurs conditions d'utilisation sont, par contre, souvent très différentes. Il existe, essentiellement, trois grandes catégories de logiciels : les logiciels d'essai et de démonstration, les « shareware » et les « freeware ». \section{Les logiciels d'essai et de démonstration} Nombreuses sociétés commerciales, de tailles diverses, allant de l'auteur-producteur de logiciel à la multinationale, sont soucieuses de commercialiser des logiciels bien adaptés à la demande et profitent du réservoir énorme de candidats testeurs sur Internet pour proposer des versions « beta ». Leur utilisation est toujours restreinte dans le temps, soit physiquement, soit contractuellement au travers de la licence. Une fois passé le cap des beta-tests, l'entreprise commerciale retire (ou fait retirer) la version beta sur les serveurs Internet et commence la distribution commerciale de son produit. Dans le même temps ré-apparaît très souvent sur le réseau une nouvelle version du produit mais ce n'est pas la version commerciale, c'est juste une version de démonstration qui est soit bridée au niveau des fonctionnalités soit limitée dans le temps ou dans le nombre de copies sur un même réseau. L'auteur, dans ces cas, a abandonné son droit à rétribution du travail effectué mais pas tous ses autres droits d'auteur qui ne manqueront pas d'être reprécisés dans la licence d'utilisation. \section{Le « shareware »} Les logiciels « en shareware » sont en général développés par des informaticiens, amateurs ou professionnels, avisés, ayant une conception très récente de la participation. Toutes les explications résident dans la licence et il n'en existe pas deux identiques. Voyons simplement le cas général. L'auteur n'abandonne pas son droit à rétribution financière et demande même à ce que l'utilisateur, satisfait, lui envoie une petite somme d'argent (quelques dollars en général), ce sera la participation de l'utilisateur. À l'inverse si l'utilisateur ne veut pas utiliser le produit, il ne doit pas le conserver sur sa machine. L'auteur demande à ce que son logiciel soit le plus largement rediffusé mais en aucun cas de façon commerciale. Les shareware sont donc « partagés » c'est-à-dire passés de mains en mains, voire diffusés dans les journaux, d'où le nom anglais share-ware et le nom français « partagiciel ». Autre aspect de la participation, l'utilisateur peut, à tout moment, envoyer à l'auteur une demande de correction à laquelle l'auteur répond dans des délais que toutes les sociétés commerciales aimeraient bien approcher, même de loin. La caractéristique essentielle du shareware est donc l'encouragement financier demandé à l'utilisateur. Les français ont, sur ce point, comme je l'ai déjà dit, une très mauvaise réputation. Il n'y a pas de grande différence entre un produit shareware et un produit commercial, excepté son mode de diffusion. De nombreux shareware sont devenus, par la suite, des produits commerciaux. Utiliser un produit shareware sans s'acquitter des droits d'utilisation revient au même que de copier frauduleusement un logiciel commercial emprunté (sauf que dans ce dernier cas le prêteur est coupable de recel). \section{Le « freeware »} Les logiciels « freeware » sont improprement appelés en France \textit{logiciels du domaine public}. Si tant il est vrai qu'ils résident « sur » le domaine public qu'est Internet, il n'est pas du tout vrai qu'ils sont « du » domaine public. Il est encore moins vrai qu'ils puissent être « tombés » dans le domaine public, vu leur âge qui est loin d'être respectable. De quoi s'agit-il ? Un logiciel freeware est un produit qui répond à une certaine éthique. Il est toujours libre d'accès et toujours gratuit d'utilisation. Les autres conditions d'utilisation sont précisées dans la licence. La caractéristique majeure du freeware est, en fait, tout autre : c'est que l'utilisateur a accès aux sources du logiciel. Cela ne lui en donne pas pour autant le droit de le modifier. L'utilisateur est très fortement sollicité pour participer à l'amélioration du produit, en proposant des corrections de bogues, en développant de nouvelles parties de code, en sollicitant des modifications, etc. Tous les grands logiciels freeware ont été écrits par des régiments de volontaires. Là aussi, il faut lire attentivement la licence d'utilisation. Nombreuses se réfèrent à la « licence GNU » mise au point par les développeurs du projet GNU (plusieurs centaines) de la \textit{Free Software Foundation}. Cette même licence suggère l'adhésion à l'association par l'envoi d'une donation. Les auteurs de freeware abandonnent individuellement leurs droits à rétribution financière, c'est pourquoi le logiciel freeware est traduit parfois en français par « graticiel ». La rediffusion commerciale est en général interdite. \section{Extension aux CD, disquettes et autres médias} De nombreux logiciels arrivent maintenant directement au bureau et à la maison par d'autres média comme les journaux, voire les maisons d'édition informatique. Qu'il s'agisse d'un CD, de disquettes ou autre média, les logiciels qui y figurent relèvent des catégories que j'ai citées précédemment. C'est donc à vous, utilisateur, et à vous seul de prendre les mesures qui s'imposent après avoir choisi tel ou tel logiciel. Tout argument qui prétendrait ne rien devoir, du simple fait que les logiciels en questions sont « arrivés tout seul » chez vous, ne peut en aucun cas être retenu car les avertissements sont en général nombreux et bien visibles. \section{Le piratage français} Selon la SPA (Software Publishers Association) %et SEFTI, le taux de piratage en 1994 était de : \begin{center} \tabbingaccents \begin{tabbing} 99\,\% \= \kill 98\,\% en Chine\\ 92\,\% en Thailande\\ 82\,\% en Corée\\ 76\,\% en Espagne\\ 74\,\% au Brésil\\ 68\,\% en Italie\\ 67\,\% au Mexique\\ 66\,\% en Amérique du sud\\ 62\,\% pour tout le Pacifique et l'asie\\ 62\,\% en France\\ 49\,\% en moyenne dans le monde\\ 31\,\% en Allemagne et Autriche\\ 31\,\% en Grande Bretagne\\ 26\,\% au Canada\\ 25\,\% aux États-Unis\\ \end{tabbing} \end{center} Le manque à gagner du à la fraude française s'élevait à : 2\,408\,000\,000\,FF. Environ $1/3$ du piratage concerne la propriété intellectuelle. Il n'y a aucun commentaire à rajouter, sauf que ces chiffres devraient être réactualisés... espérons... à la baisse. \section{Les administrations et le « shareware » : LITIEL} Les règles de la comptabilité publique sont telles qu'il est impossible à une administration française de payer des droits d'auteur pour un logiciel shareware obtenu de façon gratuite, par Internet ou par tout autre moyen. Ce problème est souvent aggravé par le fait que l'auteur du shareware (personne physique ou société) réside à l'étranger. Une association, LITIEL, a été créée pour pallier ce défaut temporaire (mais qui dure depuis l'origine des shareware dans les années 80). LITIEL joue le rôle d'intermédiaire entre l'utilisateur et le producteur, émet des factures aux administrations et envoie le règlement des droits aux auteurs. LITIEL ne fournit pas de logiciels. \section{Adresses utiles} \begin{description} \item [LITIEL] BP 26, 78102 Saint Germain en Laye CEDEX, France\\ téléphone et télécopie : (16-1) 30.87.06.25\\ email : \texttt{litiel@ens.fr} \hfill Web : \texttt{http://www.ens.fr/litiel} \item [INPI] Institut National de la Propriété Industrielle\\ 26 bis, rue Saint-Petersbourg, 75800 Paris CEDEX 08, France\\ téléphone : (16-1) 42.94.52.52 \item[APP] Agence pour la Protection des Programmes\\ 119, rue de Flandre, 75019 Paris, France\\ téléphone : (16-1) 40.35.03.03, télécopie : (16-1) 40.38.96.43\\ email : \texttt{100413.742@compuserve.com} \item[SCAM] Société Civile des Auteurs Multimedia\\ 38, rue du Faubourg Saint Jacques, 75014 Paris, France\\ téléphone : (16-1) 40.31.33.00, télécopie : (16-1) 43.54.92.99 \item[ATA] Centre de conciliation et d'arbitrage des techniques avancées\\ 15, rue de Bassano, 75116 Paris, France\\ téléphone : (16-1) 40.70.17.18 \end{description} \end{document}